La route - Cormac Mac Carthy
"Il regardait le petit et regardait au loin entre les arbres verts la route. Ce n'était pas un endroit sûr. On pourrait les voir depuis la route maintenant qu'il faisait jour. Le petit se tourna dans les couvertures. Puis il ouvrit les yeux. Salut, Papa, dit-il.
Je suis juste là.
Je sais." (p 11)"Il était couché et écoutait le bruit des gouttes dans les bois. De la roche nue, par ici. Le froid et le silence. Les cendres du monde défunt emportées ça et là dans le vide sur les vents froids et profanes. Emportées au loin et dispersées et emportées encore plus loin. Toute chose coupée de son fondement. Sans support dans l'air chargé de cendre. Soutenue par un souffle, tremblante et brève. Si seulement mon coeur était de pierre." (p 16)
Un livre perturbant.
Une lecture entamée il y a plus d'un an (une amie l'avait découvert avant qu'il ne devienne en quelque sorte "à la mode" et tenait à me le faire lire), abandonnée à deux reprises...
mais à force d'en entendre dire du bien un peu partout, et me sentant un peu coupable chaque fois que je le retrouvais en triant la PAL de ma table de nuit,
j'ai décidé fin décembre que ce serait le premier livre commencé (et enfin terminé!!) de 2010.
Et j'ai tenu parole!!
Et finalement, je ne le regrette pas, même si je peux dire que cette lecture ne m'a - en tout cas sur le coup - pas réellement emballée.
Interrogée, plutôt...
Dérangée...
Et curieusement, j'ai , je crois, envie de le relire un peu...
Parce que ce n'est pas une histoire romanesque...
Plutôt une sorte de fable...
Mais une fable étrange, de l'ordre du mythe...
Un homme... son jeune fils... une route au milieu d'un paysage de cendres et de mort... Pas la naissance du monde... plutôt sa fin...
Une histoire qui de toute évidence oblige le lecteur à chercher un sens...
...dans un monde qui a perdu tout sens...
Car une route est sensée toujours mener quelque part...
...mais celle-ci est elle-même l'objectif, le seul objectif possible...
...et "le sud" vers lequel elle semble mener n'est qu'une illusion...
Alors, plus d'une fois, dans cet univers désespéré et désespérant (p 198 : "Rares étaient les nuits où allongé dans le noir il n'avait pas envié les morts".), on se demande :
"mais pourquoi continuent-ils à avancer, puisque rien sans doute n'est à espérer, puisque la route, autant - ou plus? - qu'une issue, est un danger, puisque plus loin, sans doute, il n'y a rien, sauf toujours ce paysage de cendres et de mort?..."
Et la réponse peu à peu se fait évidente :
ils continuent à avancer parce qu'avancer est la seule façon d'être vivant,
parce qu'avancer et vivre sont une seule et même chose,
même, et surtout, quand il n'y a plus rien d'autre..
Et le seul happy end possible pour l'enfant est... de reprendre la route...
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Oui, finalement, j'ai envie de le relire un de ces jours... :)